-- Il a répondu... Il a répondu! répète Aïda, comblée.
Elle sort de la maison et va s'installer sous le pommier dont les fruits commencent à se former. À l'abri des regards, elle décachette enfin l'enveloppe et déplie la lettre.
Chère Aïda,
J'étais en excursion dans le Caucase, où j'ai fait l'ascension du mont Kazbek. C'est pourquoi j'ai tardé à te répondre. Tu voudras bien m'en excuser.
Tu me demandes comment font les savants pour savoir où se termine l'espace, si ça se termine. À la place d'espace, il faudrait dire univers. La branche de l'astronomie qui étudie l'univers s'appelle la cosmologie. C'est une science extrêmement jeune où il est difficile d'élaborer des théories.
Aïda lève les yeux et regarde la campagne environnante. Elle se demande bien pourquoi il est si difficile pour les cosmologues de construire des théories.
Généralement, poursuit Cyrus, les scientifiques procèdent de la manière qui suit pour élaborer des théories: ils observent les phénomènes et notent les constantes. Ils réfléchissent ensuite à ce qu'ils ont observé et élaborent une théorie, c'est-à-dire un modèle, pour l'expliquer.
-- Hum... fait Aïda en se grattant la tête. Étudier l'univers ne doit pas être une mince tâche.
Elle reprend sa lecture:
Le problème de la cosmologie, écrit Cyrus, c'est qu'il n'y a qu'un seul univers à étudier. Il est donc difficile de faire des comparaisons. On ne peut pas dire : " Tiens, notre univers se comporte de telle et telle façons, tout comme cet autre univers", et ainsi établir des lois comparatives.
Les savants ignorent si l'univers a des limites. S'il en a, on ne sait pas ce qu'il y a au-delà. La science ne peut répondre à cette question que dans le cadre d'une théorie, celle du big bang, que tu connais probablement. Selon cette théorie récente, puisqu'elle remonte à 1930, il y aurait une limite à l'univers. Mais ce ne serait pas une limite physique, comme un mur, par exemple. D'après la théorie du big bang, notre univers serait limité par ce que nous pouvons en percevoir.
Aïda pose la lettre sur ses genoux et replace les plis de sa jupe à fleurs. Elle réfléchit longuement à toutes ces explications que lui fournit Cyrus.
Prends la grande galaxie Andromède, la seule visible à l'oeil nu. Elle se trouve à une très grande distance de la Terre: deux millions d'années-lumière. Quand on regarde Andromède aujourd'hui, on la voit telle qu'elle était il y a deux millions d'années. Les rayons que l'on voit aujourd'hui ont quitté la galaxie il y a deux millions d'années. Ceci, ma chère Aïda, t'aidera, je l'espère, à mieux comprendre les explications suivantes.
Aujourd'hui, poursuit Cyrus, grâce à nos télescopes, on peut voir la lumière émise très peu de temps après le big bang, il y a quinze milliards d'années. Mais on n'a jamais été en mesure de voir au-delà. À seize milliards d'années-lumière, c'est le brouillard, un brouillard impénétrable. Rien ne prouve cependant que, au-delà de quinze milliards d'années-lumière, ce soit la limite de l'univers. Mais une chose est certaine, il y fait bien noir!
Cyrus
-- Oui... réfléchit Aïda. Mais aujourd'hui le ciel est bleu et le soleil brille.
Elle replie soigneusement sa lettre et la glisse dans la poche de sa jupe. Elle s'éloigne ensuite en sifflotant.